STRASBOURG (Reuters) - Les très violents incidents qui ont vu samedi un quartier populaire de Strasbourg ravagé et des bâtiments incendiés par des manifestants anti-Otan suscitent des interrogations en raison de l'absence des forces de l'ordre.
Le maire de Strasbourg Roland Ries a demandé des éclaircissements et une aide exceptionnelle de l'Etat. Nicolas Sarkozy a rejeté les critiques et défendu la police.
Selon des témoins et un journaliste de Reuters présent sur place, ces événements survenus après le passage du cortège officiel ont duré une heure vingt sans que les policiers, massés à proximité, n'interviennent.
L'ancien poste de douane du pont de l'Europe, un hôtel Ibis, une pharmacie ont été incendiés et sont partis en fumée, les pompiers arrivant, selon des témoins, tardivement.
Quarante-neuf personnes ont été légèrement blessées, selon la préfecture, dont 33 parmi les manifestants, 15 parmi les forces de l'ordre et les p ompiers ainsi qu'un journaliste.
Près de 10.000 policiers ou gendarmes et 1.500 militaires quadrillaient pourtant la ville, et des incidents de ce type étaient attendus, en raison de l'arrivée de militants anarchistes réputés violents de plusieurs pays européens, dont l'Espagne, la Grèce et l'Allemagne, selon les autorités.
Seule une douzaine de personnes étaient en garde à vue dimanche, sans certitude qu'aucune puisse être poursuivie pour les dégradations les plus graves, a dit le parquet de la ville.
Après les quelques 350 arrestations des jours ayant précédé ce samedi violent, le tribunal correctionnel de Strasbourg ne jugera lundi en comparution immédiate qu'une dizaine de jeunes suspects, dont au moins trois Allemands, pour jet de pierre sur policiers, port d'arme prohibée ou détention de produits susceptibles de servir à la fabrication d'explosifs.
LE MAIRE DEMANDE DES ÉCLAIRCISSEMENTS
Le maire socialiste de Strasbourg, Roland Ries, a demandé dimanche que l'affaire soit réexaminée.
La population du quartier a eu le sentiment d'avoir été "livrée aux casseurs et non protégée", a-t-il dit lors d'une conférence de presse. "Je souhaite interpeller à ce sujet le préfet et la chaîne de commandement qui a géré les opérations", a-t-il ajouté.
Le parti des Verts a demandé la formation d'une commission d'enquête. L'Elysée et le ministère de l'Intérieur ont répondu que le dispositif policier avait "parfaitement" fonctionné.
Michèle Alliot-Marie, évoquant dimanche des faits de "guerilla urbaine" sur RTL, a dit: "les forces de l'ordre ont parfaitement fait leur travail".
"Les fonctionnaires de police ont fait un travail absolument remarquable. Il n'y a eu à déplorer aucun mort et même aucun blessé parmi les manifestants. (les policiers) ont fait preuve de maitrise et d'une grande organisation", a dit Nicolas Sarkozy sur TF1, remarquant que des violences similaires à d'autres sommets internationaux s'étaient soldées par des victimes.
"Parmi les commentateurs, c'est toujours trop ou pas assez. Moi, je veux dire mon soutien aux forces de l'ordre qui ont travaillé avec calme", a-t-il ajouté, expliquant que les dégâts seraient "remboursés par les assurances".
Auparavant, le secrétaire général de l'Elysée Claude Guéant avait estimé sur Europe 1 que les policiers devaient protéger en priorité le sommet de l'Otan et ne pouvaient pas "être partout".
La préfecture a expliqué dimanche qu'elle s'était souciée de la manifestation pacifique anti-Otan qui a réuni simultanément, selon les sources, de 10.000 à 30.000 personnes.
"Ils ont tout fait pour nous empêcher de manifester", a répondu Frédéric Henry, porte-parole du comité d'organisation.
La préparation policière du sommet de l'Otan avait donné lieu à la constitution d'un fichier d'habitants, jugé illégal par plusieurs organisations. Des policiers sont par ailleurs intervenus au domicile de plusieurs habitants pour faire retirer des drapeaux anti-Otan, sans aucune base légale.
Gilbert Reilhac, avec Thierry Lévêque
Source: http://bourse.challenges.fr/news.hts?urlAction=news.hts&idnews=RTR090405_0053403V&numligne=4&date=090405