Déclaration commune pour la préparation d’un contre-sommet du Mouvement de la Paix
L’OTAN veut fêter ses 60 ans au printemps 2009 avec un double sommet de part et d’autre du
Rhin à Kehl et à Strasbourg. C’est la décision prise par les 26 chefs d’Etat et de gouvernement
lors du sommet de Bucarest en avril 2008.
Le 4 avril 1949, le traité qui fondait l’OTAN était signé par 12 états. L’Allemagne se joignit à
l’alliance en 1955 en tant que 15ème membre. La France quitta les structures militaires de
l’OTAN en 1966.
Le déroulement du sommet-anniversaire en Europe est destiné d’une part à honorer l’intention
du Président Sarkozy de réintégrer l’armée française dans les structures de l’OTAN. D’autre
part, Strasbourg est le siège du Parlement Européen. Ce sommet doit donc aussi souligner la
métamorphose d’une Union Européenne civile en une alliance militaire solidement rattachée aux
Etats-Unis et à l’OTAN. Par le traité de Lisbonne, l’Union Européenne s’engage désormais à
développer continuellement ses armements.
L’opinion française n’approuve pas la cohésion démonstrative de Sarkozy avec les Etats-Unis et
l’OTAN. En Allemagne, le scepticisme augmente devant la montée des armements.
Depuis la dissolution du Pacte de Varsovie et la fin de la bipolarisation en Europe, l’OTAN est
devenue un vestige de l’histoire. Elle n’a plus de raison d’être pour la défense puisque son
adversaire a disparu. La seule chose qui lui reste et qui la pousse, c’est son extension territoriale
jusqu’aux frontières de la Russie et jusqu’au Pacifique ainsi que le désir d’étendre son “ressort”
militaire bien au-delà des frontières d’origine définies dans le traité de l’OTAN.
L’OTAN continue à se transformer en une alliance globale d’intervention militaire, pour laquelle
de nouvelles options ont été prises lors du sommet de Bucarest. Le “bouclier” américain, fait
d’installations-radar en Tchéquie et de 10 fusées d’interception en Pologne, y a été entériné.
Cette mesure d’armement prétendument dirigée contre la menace iranienne brusque la Russie.
D’autant plus que la Croatie et l’Albanie sont devenues membres de l’OTAN et que l’adhésion de
l’Ukraine et de la Géorgie n’est que temporisée. Les pieuses allégations de l’Occident de vouloir
coexister avec la Russie sur la base de relations d’égal à égal sont peu dignes de foi car
l’extension de l’OTAN serre un filet de plus en plus étroit à l’ouest de la Russie. La menace
d’une nouvelle course aux armements se fait de plus en plus pressante. Les dépenses militaires
mondiales atteignent de nouveaux records.
Les membres de l’OTAN représentent déjà plus de 70 % des dépenses militaires mondiales. En
prenant une petite part de l’argent ainsi dilapidé, on pourrait apporter une contribution notable à
la construction d’un monde pacifique et juste. Non seulement l’OTAN est dangereuse et
superflue, mais elle coûte cher.
La stratégie de l’OTAN en Afghanistan vise toujours à la victoire militaire. Cela signifie la
poursuite de l’engagement militaire avec une dimension civile insignifiante.
Cette logique de guerre est en accord avec les efforts militaires de l’OTAN évoqués dans la
déclaration de Bucarest. Il s’agit là de mettre en place rapidement une supériorité de l’Ouest visà-
vis des adversaires mondiaux potentiels représentés par la Russie et la Chine.
Le document stratégique diffusé en amont du sommet, intitulé “Towards a Grand Strategy for an
Uncertain World”, dit que l’OTAN est prête à employer la première l’arme atomique et à effectuer
des interventions militaires. Les auteurs, qui appartiennent aux cercles dirigeants de l’OTAN,
considèrent ce document comme une suggestion pour un nouveau programme stratégique de
l’OTAN pour le sommet de 2009. Avec un cynisme difficile à surpasser, ils revendiquent une
“dominance de l’escalade” pour assurer la sécurité de la "culture et civilisation occidentales“.
Selon le rapport annuel 2007/2008 du Centre International de Conversion de Bonn (BICC), le
danger d’une guerre atomique augmente. Il note : “les parties qui disposent d’armes nucléaires
et devaient établir un calendrier de réduction progressive de leurs arsenaux, font en fait
exactement le contraire – c’est-à-dire qu’ils font des plans de modernisation de leurs
armements”.
La guerre de l’OTAN contre la Yougoslavie en 1999, contraire au droit public international, a
marqué une césure de la politique internationale après la fin de la confrontation des blocs. Elle a
ouvert la voie d’une époque où la force militaire serait ouvertement employée pour atteindre des
objectifs économiques et politiques, comme c’est le cas pour les guerres contre l’Afghanistan et
l’Irak. La “lutte contre le terrorisme” s’est elle-même transformée en règne de la terreur.
Le “transformation de l’OTAN” soulève tout une série de questions politiques et de droit public
international. Sa “stratégie de sécurité” s’arroge le droit de perpétrer des agressions
“préventives” contre tout Etat du monde sérieusement soupçonné de soutenir le terrorisme
international ou de fabriquer et/ou de vendre des armements de destruction de masse. Une telle
stratégie menace de livrer le monde à un chaos d’instabilité et d’arbitraire politique.
Sur le plan du droit public international, c’est un retour à l’époque d’avant la Société des Nations,
d’avant le Pacte Briand-Kellogg (1928, mise hors-la-loi de la guerre) et d’avant la Charte des
Nations Unies (1945), par laquelle les Etats-membres s’engageaient à renoncer à la force. Un
siècle entier d’efforts pour développer un droit international moderne et civilisé risque d’être
réduit à néant.
Le Mouvement de la Paix se donne à fond pour en finir avec la logique de la dissuasion militaire,
de la menace et de la guerre. Nous voulons une ONU qui fasse son travail en matière de
politique de paix, une Union Européenne civile, et un système de sécurité international qui
remplace l’OTAN. Nous voulons que les conflits soient évités par une prévention afin d’éliminer
les armements et les guerres, les conditions de vie indignes, l’injustice sociale et la violation des
Droits de l’Homme. Et nous voulons que le droit public international soit respecté, comme le
stipule la Charte des Nations Unies.
Le Traité de l’OTAN de 1949 n’est plus qu’un lambeau de papier. Logiquement, la dissolution du
Pacte de Varsovie, alliance militaire des Etats socialistes de l’Europe de l’Est, aurait dû être
suivie de la dissolution de l’OTAN en 1991.
Aujourd’hui, cette question est encore plus à l’ordre
du jour car l’OTAN est devenue une menace pour le monde. Le Mouvement de la Paix est d’avis
que l’OTAN est un anachronisme de l’histoire qu’il faut faire disparaître.
A l’occasion du sommet-anniversaire, le Mouvement de la Paix organisera de multiples réunions
d’information, des conférences et des manifestations, ainsi qu’un contre-sommet pour un monde
juste et pacifique sans OTAN.
Berlin/Paris, Juin 2008
Bundesausschuss Friedensratschlag et Mouvement de la Paix
Source: www.uni-kassel.de/fb5/frieden/themen/NATO/NATO-dt-franz.pdf