2003-06-08 

Derrière le mythe du "Black Bloc" un arrière-fond de manipulation politique

Les problèmes liés à la "casse" manifestée au cours des journées liées aux manifestations anti G8 doivent recevoir une réponse politique. Il ne s'agit pas de simples actes criminels, mais d'une dérive politique dont il faut analyser les causes et les effets.

Si effectivement le "Black Bloc" de Seattle a joué un rôle déterminant dans les manifestations de 1999, c'était dans le blocage des hôtels, non pas dans la casse. Beaucoup de ses animateurs étaient anarchistes ; ce qui est loin d'être le cas dans les nouvelles moutures.

Le principal groupe de la mouvance "Black Blocs" suisse est le "Revolutionare Aufbau" de Zurich, dont le noyau central est constitué de militants marxistes-léninistes. Constitué au début des années nonante par la fusion de cinq groupes (Comité contre l'isolement carcéral KGI, Femmes marxistes-léninistes Marlène, un groupe d'apprentis, un groupe migration et un groupe anti-fasciste) le "Revolutionare Aufbau" diffuse des textes de Staline et organise des casses chaque 1er mai à Zurich

Cette politique, apparemment très radicale, leur permet de drainer un bon nombre de jeunes révoltés, qui leur servent de "masse de manoeuvre". Que certains de ces jeunes portent des insignes anarchistes ou même des drapeaux noirs ne signifie pas qu'ils soient réellement anarchistes.

La révolte peut être considérée comme une des conditions de passage vers l'anarchisme. Mais il ne suffit pas d'être révolté pour être anarchiste. Il y a toute une culture de base à acquérir. Sans ce travail d'autonomisation, beaucoup de jeunes restent prisonniers des images projetées par plusieurs décennies de propagande anti-anarchiste, qui associe ce mouvement à la violence et au chaos et veut que les anarchistes soient hyper-individualistes et hostiles à toute forme d'organisation.

Le résultat en est le flottement idéologique de toute une masse de jeunes révoltés, récupérés par l'activisme de groupes comme le "Revolutionare Aufbau" qui profite de la quasi-inexistence de mouvements anarchistes structurés en Suisse-allemande et à Genève. Il est intéressant de constater que dans les régions où sont implantés des mouvements anarchistes organisés avec un développement de pratiques de luttes sociales et autogestionnaires comme à Lausanne avec l'Organisation Socialiste Libertaire et dans le Jura avec la "Fédération libertaire des Montagnes", les dérives vers la violence-spectacle ont pu être contre-carrées.

Si des confrontations avec les possédants ont lieu, c'est sur la base des luttes des mouvements sociaux réels, contrairement aux actes de violence décidés autoritairement par de petits groupes anonymes et complètement déconnectés de la réalité que les gens vivent.

Cinq mouvements anarchistes français : Alternative libertaire, la CNT (Confédération Nationale du Travail), la Fédération anarchiste, l'Organisation communiste libertaire, se sont coordonnés avec l'Organisation Socialiste Libertaire (OSL) de Suisse dans la Claaac (Convergence des luttes anti-autoritaires et anti-capitalistes). Il y a actuellement 17 mouvements signataires, dont la CGT espagnole et la SUF suédoise).

Le tronçon Claaac regroupait 5000 militants libertaires, parmi les 45.000 manifestants qui ont défilés le 1er.juin entre Annemasse et Vallard, en passant par Thônex et Chêne-Bourg. Plus de 3000 d'entre-eux ont participé au Village alternatif, anticapitaliste et anti-guerres (VAAG) d'Annemasse, démontrant leur capacité de débat et d'autogestion.

Un engrenage dangereux
Il est urgent de dénoncer la politique des groupes qui cherchent, par la violence-spectacle, à déclencher des cycles actions-répression-actions-etc. Cette stratégie, portée par les milieux autonomes italiens dans les années septante, a pour but d'exacerber les tendances dures et répressives de la droite, en espérant un soulèvement des masses populaires.

Cette stratégie, qui faisait pendant à la stratégie de la tension des services secrets américains et de la droite, s'est soldée par un cuisant échec, des centaines de militants emprisonnés et l'isolement des groupes d'extrême-gauche.

A Genève, on peut se poser la question de savoir si la droite est bêtement tombée dans le piège de "l'action-répression-action-répression, en voulant interdire ou limiter les manifestations, en amalgamant altermondialistes et "casseurs", en voulant exclure les fonctionnaires qui sont aussi militants.

juin 2003