2007-06-23
un peu d’infos du G8
Mercredi 6 juin, 3 heures du matin. ça hurle dans tous les coins. Je
m’éveille en sursaut, et en un instant tire la fermeture de l’ouverture de
ma tente. Je dors tout habillé et le duvet est ouvert : c’est plus rapide
en cas d’urgence. Je sors alors ma tête, et essaye de me réveiller.
Brouillard total. Soudain, des ombres traversent l’espace en courant. Au
loin, une voie continue à gueuler " Alertaaaaaaa ! "…
L’ambiance est posée. Je vous écris ce message depuis une tente Indymedia
au camp de Reddelich. Il fait une sacré chaleur, aujourd’hui. Ma journée
en taule hier était plus fraîche. C’est peut-être aussi que je n’ai pas
encore dormi. Juste à côté de moi, radio-G8 donne régulièrement les
dernières nouvelles en allemand, anglais, et juste en ce moment en
français ! Ceci illustre le haut-niveau d’organisation du camp et des
activistes. De l’avis de tous, ce contre-sommet marque incontestablement
une avancée remarquable aussi bien en terme de mobilisation,
d’organisation, que de radicalité…
Fausse alerte. On le comprend rapidement, alors que l’alarme cesse peu à
peu, et qu’on se rend bien compte que sur notre barrio " Bicycle Caravan
Belgium ", on est pas bien nombreux à s’être sorti du pieu ! Je me rendors
rapidement. Demain, nous nous léverons tôt pour prendre la route en vélo.
7h30 : Nous partons à seize sur nos vélos en direction de la zone
nord-ouest, du côté de Steffens-Hagen. Notre objectif est de rouler en
délégation en direction de Kulhungsborn, au nord ouest de la zone
interdite, en longeant la route à la limite de la première zone de
sécurité. Pique nique en bord de mer à l’arrivée? On ne sait pas encore
bien. A mi-parcours, nous entrons dans un bois, que nous traversons.
Derrière nous, une file d’une dizaine de véhicules. Un ruban adhésif jaune
a été tendu entre deux arbres, coupant la route.
On s’arrête un instant. Un véhicule de police est juste derrière nous,
comme à chaque instant, dans la région.
Il nous voit parfaitement hésiter un peu, demander aux véhicules de
patienter. Nous faisons un peu les malins et saisissons cette opportunité
pour prolonger quelques minutes le temps de l’embouteillage. John, qui est
à côté de moi, manque de se faire écraser par une vieille, dont le fils
sort en furie pour le pousser et le dégager de devant la voiture : " I
must work ! " dit-il. Je lui fonce dessus avec mon vélo en hurlant " Peace
men! "
C’est assez utile d’être grand parfois : l’abruti rentre dans sa voiture,
ferme la fenêtre et s’enferme à clé…
Finalement, les uns et les autres soulèvent le ruban de scotch qui dit "
Make capitalism history ! " en référence à la gentille campagne des ongs
et associations de 2005 qui disait " Make poverty history ", tout à fait
hypocrite quand on sait le projet des " saigneurs " du G8 qui rêve eux de
" Make poor’s people history. ".
On passe dessous les uns après les autres, et continuons notre route. 100
m plus loin, on laisse sur le côté droit de la route un genre de panneau
de signalisation en travers de la route. 200 m plus loin, après un
tournant, ce sont plusieurs cars de police garés sur le côté gauche, et
qui commencent à sortir des véhicules. Etant en tête de cortège, je les
dépasse sans être inquiété, mais je vois que les autres se font arrêtés.
Nous sommes 5 ou 6 à revenir alors sur nos pas. Contrôle des papiers,
fouilles : deux groupes sont constitués. Trois d’entre nous ont des
couteaux (Un Opinel, un couteau suisse) et des ficelles, un autre a un
tambour, attaché au vélo avec cette même ficelle qui a aussi servi a
attaché un jerrican d’eau. J’ai aussi un rouleau de scotch vert
répare-tout dans ma poche. Le flic hésite. Son collègue lui dit que c’est
rien. Il laisse tomber et je rejoins le groupe de ceux qui n’ont rien.
S’en suit une attente pas trop claire. On demande des explications, on
pense être relaché rapidement à ce moment-là, même si le coup des couteaux
nous inquiète un peu pour les trois autres. Plusieurs médias s’arrêtent et
filment la scène. TF1 est là. Sylvain parlemente avec eux, tandis que nous
sommes 2 ou 3 derrière à chanter " Médias partout, infos nulle part ! " en
rigolant. Après quelques dizaines de minute d’attente, une sorte de chef
fait un briefing à ses trois sous-chefs. Il me montre du doigt ainsi que
Laurent. Nous sommes mis avec ceux qui avaient les couteaux. Les autres
sont libres avec interdiction de circuler dans un périmètre de 50km : en
gros, n’ont plus qu’à rentrer chez eux. On demande la raison de ce choix :
parce que vous avez été identifiés comme les " leaders ". Nous éclatons de
rire, et constatons que c’est sans doute pour notre grande taille à tous
les deux que nous sommes emmerdés. Quatre bras qui ne jetteront pas de
cailloux dans leurs petites têtes…
Transfert direction le centre de détention " Siemens ", sur
IndustrieStrasse, où nous sommes un par un, photographié, fouillé, privé
de nos affaires. On passe ensuite de bureau en bureau, quelques infos
rapides en anglais. Des papiers à signer. On signe rien, on ne dit rien à la police, c’est la règle.
Puis on se retrouve assez vite dans une des cages, avec pour seul ami un
petit matelas en mousse de 3 mm, et une vingtaine d’allemands bien sympas,
qui ne vont pas arrêter les conneries, les blagues etc… L’ambiance est
détendue et à la franche rigolade au début. En fait, la plupart ont étés
arrêtés en masse sur un blocage d’autoroute, arrêtant leurs nombreux
véhicules au milieu, bloquant tout le trafic. Dans la cage, les "
prisonniers " débordent d’imagination.
On fait les singes, c’est vraiment ce qui nous inspire d’abord. Par
moment, de grands huhullements canins retentissent de toutes les cages. A
plusieurs reprises, les gardiens, qui n’ont pas 25 ans, ferment mal notre
porte, et on s’amuse à la pousser sous leur nez, ce qui les agace
grandement.
La partie supérieure de la cage est couverte d’un filet, fixé par des
colsons, régulièrement cassés, ce qui permet des tentatives de sortie
assez amusantes. On s’y suspend aussi beaucoup. Le temps est rythmée par
les nouvelles arrivées, régulières, les distributions de bouffe (saucisses
dans un sac plastique), les sorties clopes et les sorties pipi. Des
slogans fusent régulièrement et sont repris en choeur par tous, ce dont se
foutent pas mal les policiers présents, totalement indifférents.
La suite, quand j’aurai envie d’écrire… Pour l’instant, je vais profiter
du soleil…
(Juste que vous sachiez, à l’heure actuelle, vendredi 8 à 13h, encore 3
d’entre nous sont emprisonnés dans cette saloperie…)
Zoul
[http://liege.indymedia.org/news/2007/06/16792.php]