2007-06-08
Le contre sommet du G8 s’est achevé hier sur les mots bienveillants et encourageant de Vandana Shiva (Inde), figure majeure de l’altermondialisme et du combat pour le développement dans les pays du Sud. Sa critique constructive du monde a actuel n´a pas épargné les gouvernements occidentaux, leurs institutions et leurs intentions.
Depuis samedi dernier, une centaine de milliers de citoyens allemands, européens, et du monde entier, ont déferlé dans la région de Rostock, souvent au terme d’un voyage long, déjouant les tentatives de dissuasion et de découragement des forces de police, des services de transport en commun et du gouvernement allemands. Des dizaines de milliers de personnes, de tous les âges, de tous les genres, et de tous les horizons, avec chacun son histoire et son agir, mais tous avec les mêmes préoccupations.
La majorité d’entre eux sont venus peupler la grande manifestation du samedi, militants d’un jour. 80 000 personnes formaient alors une foule bariolée, organisée en sous-groupes, et flanquée de nombreux slogans, mais homogène.
Certains établissaient déjà leur camp le soir même, prêts à vivre une semaine au rythme des réunions politiques, des actions directes de blocage du sommet officiel, et des affrontements, la plupart sans débordement, avec quelques uns des 16 000 policiers mobilisés pour l’occasion.
D’autres les rejoignaient tout au long de la semaine, dans un mouvement de relais spontané et maintenant le nombre de participants constamment élevé. Trois camps ont été aménagés par une plateforme d’associations locales, nationales et internationales ; avec des commodités sanitaires décentes, des assemblées organisatrices, des scènes de concert, des installations de cinéma, des comptes rendus de presse, des centres de soin, et bien sûr, des « volkskuche » (cuisine du peuple), concept, cher à Berlin, de restauration sur base de donation.
La mission concrète de tous ces gens pendant les trois jours de sommet officiel : bloquer les accès terrestres aux lieux de réunion de Heiligendamm, hautement protégés, au milieu d’une zone interdite de 13 km . L’action tient du stratège militaire ; il s’agit de détecter les points faibles des adversaires, les policiers et l’armée, pour entamer une percée dans leur camp. Le but de l’action : retarder le début du sommet en empêchant les traducteurs, les membres du protocole et les journalistes d’arriver à temps. Le résultat de l’action, au troisième jour : mission accomplie, les réunions du mercredi 6 ont commencé avec quelques heures de retard ; les activistes en même ont volé la vedette aux 8 « grands puissants » dans la presse allemande et internationale.
Parallèlement aux actions d´intervention directe, plus d´un millier de personnes participait aux ateliers-séminaires et aux assemblées du sommet alternatif du G8, tenus en divers sites de Rostock, les mercredi 6 et jeudi 7 juin. Au programme, des discussions relatives aux conflits armés, à la pauvreté, au climat, à la migration. En bref, les mêmes thèmes qu’à l’intérieur de la zone interdite, mais ici on envisage des solutions et des moyens différents, respectueux de tous les gouvernements, de tous les pays du monde et de leurs populations. Et Vandana Shiva de rappeller, au discours de clôture du sommet alternatif, qu’au sommet du G8, ce sont les chefs de 8 Etats qui orientent les stratégies politiques, économiques et militaires à venir pour tous les pays du monde. Elle appelle au renouvellement de la démocratie, à une démocratie à nouveau en vie.
Vandana Shiva a reçu le prix Nobel de l’Alternative en 1993. Elle est reconnue dans le monde pour son combat pour les droits des femmes, la biodiversité et l’écologie en Inde. Au cours du panel final du sommet alternatif, Vandana Shiva dénonçait le processus décisionnel du G8, qui continue de déléguer les plus grands pouvoirs économiques aux institutions comme le FMI, malgré les échecs de sa mission (favoriser la croissance économique mondiale globale, au bénéfice de tous les pays ). Au lieu, le FMI est « à la base de dictatures économiques, qui ont mené à la destruction des cultures, au pillage des ressources naturelles mondiales et à la mort de la démocratie ». L’indienne suggère de réformer la démocratie actuelle, une démocratie morte, de façade, insuffisamment légitimée par des élections quinquennales aux résultats de plus en plus controversés. « La démocratie actuelle n´est qu´une démocratie de façade, insuffisamment justifiée par le droit à noircir une case sur un bout de papier tous les cinq ans !», revendique Vandana Shiva.
La prix Nobel de l´Alternative dénonce les gouvernements occidentaux, complices des entreprises multinationales, pour avoir, au nom de la croissance économique mondiale, pillé puis gaspillé les ressources des pays du Sud, anéanti les cultures locales et leurs systèmes de production spécifiques, pollué la planète jusqu´à un point de non retour et engendré les vagues de migration actuelles.« En Inde, il y a dix ans de cela, un fils de fermier pouvait accéder aux meilleures écoles, et devenir informaticien dans la Silicone Valley ; aujourd´hui les suicides de fermiers font partie de la tragédie sociale à laquelle l´industrialisation de l´agriculture a mené en Inde», déplore-t-elle. L´agrobusiness est sans aucun doute responsable des grandes problématiques traitées au G8 et au contre G8, Vandana Shiva invite donc les citoyens du monde et leurs gouvernements à traiter ces problèmes à la racine, et à changer le mode de production de l´économie mondiale et la division internationale du travail qu´il sous-tend. Pourquoi, se questionne-t-elle, les produits agricoles devraient voyager des dizaines de milliers de kilomètres avant d´être consommé ? L´industrialisation et la délocalisation de la production agricole a mené á la tragédie écologique que connait la terre actuellement. La volonté de produire toujours plus, toujours moins cher a mené à la justification d´un « système économique génocidaire ». Et Vandana Shiva donne l´exemple du blue jeans, fabriqué en Chine pour la modique somme de 5cent, commercialisé par Wallmart au prix de 5$ et par Levi´s à 50$. Finalement, le capitalisme, originellement basé sur l´idée de progrès de l´humanité par la croissance économique, a transformé l´être humain en « un consommateur pathétique ». Le fondement principal du capitalisme, le droit à tous de produire, a tristement muté en un droit à consommer.
Le sommet alternatif du G8 revendique le retour au droit de produire. Le sommet alternatif du G8 revendique des changements institutionnels dans les organisations internationales pour mettre fin aux économies de la mort et au réchauffement climatique responsables des déplacements de population. Et surtout, le sommet alternatif du G8 donne un horizon commun à toutes les résistances et à toutes les luttes face aux injustices des règles du jeu actuelles : le combat pour les générations futures. Parce que si les règles ne changent pas, il n´y en aura pas.
Louise C.
louise.culot@gmail.com
[http://de.indymedia.org/2007/06/183256.shtml]